COVID 19
Congés payés, jours de repos…
Acte de solidarité ?
Ordonnance d’urgence du 25 mars 2020, prise sur le fondement de la Loi d’urgence du 23 mars 2020 modifiant le Droit du travail en matière de congés payés et de jours de repos
Cette Ordonnance parmi toutes les autres, vient précisément compléter les dispositifs en matière de télétravail et d’activité partielle (dont j’ai parlé dans mes deux précédents articles), s’agissant de répondre à la fois à la réalité opérationnelle de l’entreprise mais également et surtout, aux difficultés économiques rencontrées par les entreprises confrontées au Covid 19.
Dans un souci de simplification, retenons que par dérogation au Code du travail, 4 articles viennent légiférer sur la question des congés et jours de repos :
1- Pour déroger au Code du travail, il faut que l’entreprise ait signé un accord collectif d’entreprise ou à défaut, relève d’un accord de branche déterminant les conditions dans lesquelles un employeur est autorisé, dans la limite de 6 jours de congés et sous réserve d’un délai qui ne peut être de moins d’un jour franc, à :
- IMPOSER la prise de congés payés à ses salariés, y compris avant la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris
- MODIFIER unilatéralement les dates de prise des congés payés, allant même jusqu’à pouvoir fractionner les congés sans l’accord de ses salariés
Cet article permet donc à un employeur de pouvoir imposer à ses salariés en télétravail ou en activité partielle, de “convertir” certains jours de confinement en jours de congés, durant le temps de fermeture temporaire de l’entreprise ou de réduction de la durée hebdomadaire du travail, dans la limite de 6 jours de congés payés ouvrables.
2- L’article 2 fait référence à l’employeur qui, s’il justifie de difficultés économiques liées au Covid 19, peut, dans l’intérêt de la bonne marche de son entreprise, par dérogation au droit conventionnel instituant la réduction du temps de travail, la Loi du 20 août 2008 assouplissant les 35h et refondant les conventions de forfait, le compte épargne temps (Loi de la démocratie sociale et réforme du temps de travail) :
- IMPOSER la prise de jours de repos acquis par les salariés (selon leur choix)
- MODIFIER les dates de prise des jours de repos de ses salariés
Dans ce point 2, vous l’avez compris, il n’est pas question des jours de congés payés mais des jours de repos ou de réduction du temps de travail.
3- Cet article 3 vise la catégorie des salariés, cadres ou on non-cadres dont l’indépendance dans leur fonction et l’impossibilité de les soumettre à un horaire préétabli, leur permet d’organiser librement leur temps de travail et de relever pour ce faire du forfait annuel jours.
Et en quoi les salariés relevant du forfait annuel heures ne seraient-ils pas concernés ? Qu’est-ce que le forfait annuel heures ?
Avant tout développement, pour ces deux dispositifs de forfaits annuels, l’employeur doit avoir préalablement signé un accord d’entreprise ou d’établissement et une convention individuelle de forfait avec son salarié ( art 3121-5)
La convention individuelle de forfait heures doit indiquer pour chaque salarié :
- La catégorie de salariés soumis au forfait annuel heures
- Le nombre d’heures comprises dans le forfait
- La rémunération en tenant compte des arrivées, départs en cours d’année, des absences
Le principe de base c’est que les salariés ne sont pas soumis au contingent annuel d’heures supplémentaires et ne bénéficient pas normalement des contreparties obligatoires en repos pour les heures supplémentaires effectuées. (Sauf persistance d’accords conclus sur des anciennes dispositions ayant permis le recours aux RTT)
Depuis le 1er janvier 2019, les heures effectuées au-delà de 1607 h à l’année et payées en heures supplémentaires, sont exonérées de cotisation salariale d’assurance vieillesse et d’impôt sur le revenu
Qu’est-ce que le forfait annuel jours ?
Le principe du forfait est qu’il permet de rémunérer une tranche de salariés, cadres ou non cadres (à l’exception des cadres dirigeants non éligibles), sur la base du nombre de jours travaillés à l’année, soit 218 jours, suivant un accord collectif en vigueur, sans décompte du temps de travail.
Mais si l’accord collectif ne prévoit rien, la limite de jours travaillés ne peut excéder 235 jours.
Partant de là, il faut savoir qu’en contrepartie du temps de travail effectué en permanence (sans arrêt de travail pour maladie), les salariés bénéficient au titre de leur rémunération, faute de précisions conventionnelles : de jours de repos inscrits sur un document annexe à leur fiche de paie, que ce soit en contrepartie obligatoire en repos ou au titre du repos compensateur équivalent (en remplacement de certaines heures supplémentaires).
Enfin, le nombre de jours de repos varie suivant le secteur d’activité (banque, assurances…) les accords collectifs en vigueur, le droit commun.
En 2020 notamment, sur 366 jours, en incluant les jours de repos quotidien/hebdomadaire, les congés payés, les jours fériés chômés, le salarié a droit à 10 jours de repos en contrepartie du temps de travail effectif. (Calcul : 366 – (218 + 104 + 25 + 9)
Par conséquent, ce sont ces jours de repos liés au forfait annuel jours visés dans l’Ordonnance qui vont intéresser l’entreprise, laquelle dans le contexte de crise développée ci-dessus, peut :
- IMPOSER la prise à date, de jours de repos institué dans le cadre du forfait
- MODIFIER unilatéralement les dates de prise de jours de repos du forfait
4- L’article 4 de l’Ordonnance ne concerne que les jours de repos stockés par les salariés dans leur CET, compte épargne temps. Quid du CET ?
La mise en place du CET repose sur un accord collectif d’entreprise, un accord d’établissement, un accord de groupe ou de branche, fixant les conditions dans lesquelles le compte peut être alimenté en types de congés, jours de repos, en argent, puis les conditions de gestion, de transfert de droits, de liquidation.
L’employeur peut :
- IMPOSER au salarié d’utiliser les jours de repos inscrits dans son CET
—–> En conclusion, l’Ordonnance d’urgence décide que ce sont pour les jours de repos de réduction du temps de travail et les jours affectés sur les CET, qui peuvent être modifiés unilatéralement par l’employeur, donc immédiatement sans délai de prévenance
—-> Pour les autres jours et les congés payés, l’employeur doit signer avec les partenaires sociaux, notamment le CSE, un accord collectif d’entreprise ou à défaut, voir s’il peut se prévaloir d’un accord de branche, pour IMPOSER ou MODIFIER la prise des jours de repos à ses salariés, en observant non plus quatre semaines de délai de prévenance mais au moins un jour franc.
—-> Du fait du COVID 19 générant des difficultés économiques réelles pour les entreprises, qui se battent pour maintenir l’emploi de leurs salariés nouvellement arrivés ou en place, n’est-il pas concevable que leurs salariés s’associent à la demande de leurs employeurs pour mobiliser leurs jours de repos ou jours de congés, par simple solidarité ?
Dans ce cas, il n’y aurait plus, par dérogation au code du travail, un seul jour de solidarité dans l’année 2020 mais plus au bénéfice de l’entreprise !