UBER
l’arbre ne cachait-il pas la forêt ?
Il y a 5 ans, je publiais un article sur une décision isolée, d’un Tribunal Californien du 3 Mars 2015, ayant requalifié la relation de travail entre UBER et l’un de ses chauffeurs, en contrat de travail et vous précisais que nos Juges Français seraient amenés à se saisir de ces litiges en masse.
Depuis la loi
dite AB5, requalifiant les chauffeurs VTC en salariés, l’autorité de la Commission de Californie a jugé le 9 juin 2020, que tous les chauffeurs VTC étaient considérés comme des salariés. Au 1er juillet, elle demande même à UBER, de fournir « des compensations à ses salariés », sous peine de priver l’entreprise de perdre son autorisation d’exercer.
UBER a alors tenté à la fois, un recours juridique car selon elle, une entreprise comme la sienne « serait condamnée à changer son business model« , ainsi qu’un référendum, en soumettant la question du statut de ses chauffeurs au vote de ses employés.
Ce n’est pas fini, avec la pandémie : ce sont 3700 emplois qui ont été supprimés en mai 2020 et un nouveau plan social vise 3000 autres. De quels emplois s’agit il ? Pour UBER, il ne s’agit que de ses » salariés », mais vous avez bien compris que ses chauffeurs en font partie !
Rappelons que pour UBER, le modèle économique repose sur la mise à disposition de sa plateforme numérique de mise en relation, au bénéfice de chauffeurs indépendants, inscrits au Répertoire des métiers.
Mais alors, quel est le statut théorique de ces(ses) chauffeurs ?
S’agit-il vraiment pour eux de pouvoir travailler en toute autonomie, choisir leur temps de travail (le jour, la nuit, en soirée) et leurs courses, se connecter quand ils en ont envie, cumuler leur job avec un autre travail sans se préoccuper du dépassement de la durée légale du travail, constituer leur clientèle, prendre des jours de congés quand bon leur semble, travailler 3 jours par semaine ?
De quoi s’agit ?
Quelle est la vraie nature de la relation contractuelle de ces travailleurs indépendants liés à la plateforme de mise en relation d’UBER ?
UBER parle « d’un contrat de prestation de transport » et se prévaut de la présomption simple de non-salariat défini à l’article L 8221-6 du Code du travail.Or, ses chauffeurs sont bien soumis à des restrictions :
– Ne peuvent choisir leurs courses
– Se voient imposer un itinéraire
– Ne fixent pas librement leurs tarifs
– Ne créent pas leur propre clientèle
– Peuvent être sanctionnés : par des corrections tarifaires ou un droit que s’arroge UBER, d’une déconnection temporaire de ses chauffeurs de son application. Cerise sur le gâteau, UBER estime même avoir le droit de leur faire perdre tout accès à sa plateforme numérique.
C’est dans ce contexte qu’un chauffeur Français, privé de tout accès à la plateforme UBER, a exercé plusieurs recours dès 2016 devant les juges, pour aller jusqu’à la Cour de Cassation. C’est la que les Juges Français sont amenés à statuer sur cette question de droit après les Etats Unis, c’est chose faite !
Quelle est la réponse et position des juges Français ?
– La présomption simple de non-salariat est renversée par l’existence d’un lien de subordination juridique, caractérisé par le fait qu’UBER a donné des directives à son chauffeur, en a contrôlé l’exécution, a sanctionné ses annulations de courses répétées, en manquements ou fautes. (3 conditions cumulatives réunies)
– Le statut d’indépendant est fictif
– La brusque rupture de la relation contractuelle équivaut à un licenciement justifiant à la fois le respect de la procédure de licenciement, mais également le versement des indemnités correspondantes, dont l’indemnité de licenciement et la délivrance de l’attestation Pole Emploi pour pouvoir s’inscrire comme demandeur d’emploi à Pole emploi.
Avec les nouvelles organisations du travail et les nouvelles formes de travail, il est clair que les requalifications des relations de travail des contrats de prestation en contrats de travail, entre ces sociétés et ces travailleurs indépendants vont fleurir, comme c’est le cas de société TAKE EAT EASY avec ses livreurs et d’UBER avec ses chauffeurs.
Ainsi, l’arbre, ne cachait-t-il pas la forêt ?